Homme de volonté et de conviction, doué d’une personnalité très complexe, Antoine de Saint Exupéry a été durant sa vie, et largement au-delà, l’objet de nombreuses attaques, singulièrement dans les milieux intellectuels. C’est à ce sujet particulier que François Gerber a choisi de s’intéresser avec ce livre.
Nombre de personnalités de premier plan ont été confrontées à ce genre de difficultés suite à la deuxième guerre mondiale. L’on parle là d’un « monde français » complètement bouleversé, éparpillé, écartelé par la guerre puis par l’occupation. Pour autant, le thème de ce livre ne manque pas d’intérêt. Il y a là de quoi nourrir un regard intéressant, plus accessible, peut-être, sur la personnalité de l’écrivain pilote. Car c’est un fait : l’auteur du Petit Prince est une icône, et il a déjà suscité une énorme bibliographie dont l’utilité n’est pas toujours démontrée. Malgré quelques ouvrages qui se distinguent nettement de la foule1, il demeure méconnu ; il serait temps que l’on révélât avec simplicité ce qu’il fut, au-delà de l’auteur et du pilote courageux…
Hélas ce ne sera pas encore le cas avec cet Écrivain en guerre. Bon… Le sujet n’est pas des plus simples, c’est un fait. Est-ce pour cela que ce livre n’échappe pas à une certaine complexification du traitement qui fait ressentir, ici ou là, une impression de « fouillis » ? D’aucuns pourront s’y perdre quelque peu, au travers des récits biographiques, dans les relations précises d’épisodes certes intéressants en eux-mêmes, mais dont le rapport au sujet demeure très générique. On croit alors sentir que l’auteur, peut-être en proie à une certaine révolte, s’éloigne de son sujet. Ainsi en va-t-il des épisodes déjà bien connus de la marche des escadrilles dans la drôle de guerre, mais aussi du volume consacré à Jean-Paul Sartre, pages dont l’apport au sujet n’est pas évident, ou de l’éventuel travail d‘influence de Gaston Bergery… Prises de position de l’auteur, on l’entend bien, mais qui eussent gagné à bénéficier d’une argumentation plus solide.
La bibliographie citée par l’auteur est importante. Tout juste peut-on se demander pourquoi il n’a pas utilisé la biographie rédigée par Hélène de Vogüé2, ouvrage de cœur d’une proche parmi les proches, alors qu’il cite le bel album consacré par Léon Werth à son ami3, dans ses deux éditions.
Reste un livre interpellant à certains égards, certes très intellectuel, mais souvent intéressant. En tout cas, si l’on n’y trouve pas tout à fait ce que le titre laisse supposer, on ne pourra pas lui reprocher sa tiédeur.
Philippe Boulay
240 pages, 15,3 x 23,8 cm, broché
(1) Voir en particulier la belle biographie que l’on doit à Bernard Marck : Tome 1 et Tome 2
(2) Publiée sous le nom de Pierre Chevrier chez Gallimard (NRF) en 1949
(3) Voir Saint-Exupéry tel que je l’ai connu
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