Concevoir un avion. Voilà un joli rêve !
J’en connais bon nombre qui l’ont fait étant adolescents, saturant d’esquisses et de croquis les marges de leurs cahiers de cours.
C’est ce que nous propose Didier Marie dans cet ouvrage qui va tenter de nous simplifier au maximum les méthodes de calcul aérodynamique. L’idée de l’auteur est en effet de nous proposer des recettes de cuisine, des abaques, des approximations, des calculs empiriques à partir de données mesurées sur d’autres avions de taille comparable, en somme toute une palette d’outils qui nous permettent d’aller plus loin que les simples esquisses pour arriver à la conception d’un véritable appareil.
Si la couverture est assez sympathique, il ne faut pas s’arrêter à l’impression vieillotte que donne la première ouverture de l’ouvrage, avec une mise en page type "polycopié" des années 80 (et le livre est d’ailleurs daté de 1987), avant que l’invasion des ordinateurs personnels et des mise en pages professionnelles que cela permet ne deviennent le standard que nous connaissons aujourd’hui. De même, à part les schémas utiles au raisonnement, vous ne trouverez pas de photos, ni d’illustrations pour égayer ce manuel ; mais ce n’est pas non plus ce que nous sommes venus chercher à cette lecture.
Au fil de huit chapitres, l’auteur nous explique sa façon de concevoir un petit avion biplace : le choix des dimensions générales, l’étude de l’aile (dimensions, profil, polaires et foyers), le bilan des traînées, le choix de la puissance en fonction des polaires, les performances estimées (décollage, atterrissage), les charges et contraintes du train d’atterrissage, les caractéristiques de l’hélice et le domaine de vol. C’est très intéressant de suivre son raisonnement, et l’enchaînement des chapitres est assez naturel.
Bien sûr il est à craindre que ce principe de recette de cuisine, une bonne dose d’empirisme, des valeurs mesurées à la louche et une pincée de bon sens, ne fasse aboutir systématiquement au même résultat, une espèce d’avion-étalon très standard, et que ce ne soit pas forcément utilisable si on tente d’innover un peu. Ou alors par extrapolation ?
Mais surtout, comme cela s’apparente à un manuel pratique, peut-être devons-nous relever quelques points erronés ?
L’éternelle dualité poids/masse. Dès les premières pages, nous sommes fixés, l’auteur a décidé d’ignorer totalement la différence entre les deux notions. En le regrettant mais à défaut de pouvoir y changer quelque chose, prenons-en notre parti et acceptons, au moins le temps d’une lecture, de voir les deux joyeusement confondues, alternées et mélangées. Mais comme aucun Newton n’apparaît dans les calculs présentés, laissant la part belle au kilogramme, au moins aucune confusion n’est à craindre. Nous saurons que, même lorsqu’on nous parle de poids c’est de masse qu’il s’agit.
p.26, une coquille, « Cx max » au lieu de « Cz max ».
p.60, une confusion d’unités. Le calcul qui nous est proposé nous permet d’arriver à Vz=13,56 km/h (soit 3,77 m/s) et non pas 13,56 m/s, ce qui serait une valeur vraiment très élevée.
p.68 la "distance d’arrondi" est un terme mal utilisé, bien qu’on comprenne à la lecture du texte que l’auteur nous parle de la longueur de trajectoire restante après le passage des 15 mètres lors de l’atterrissage.
p.83-84 Là ce n’est pas une erreur mais une application du principe Shadok « Pourquoi faire simple alors qu’on peut faire compliqué ? ». L’auteur aurait pu économiser une page de texte en utilisant la formule du facteur de charge en virage : n=1/cos α
En partant de la limitation n=3,8, on obtient directement l’inclinaison maximale de 74,75°.
La suite du raisonnement, qui limite de toutes façons l’inclinaison à 60° reste valable.
p.85 plutôt qu’une "Vitesse de Présentation" VP=1,2 Vs, on utilise plutôt une "Vitesse Optimale d’Approche" VOA de 1,3 Vs sans vent.
L’ouvrage se termine par des annexes très intéressantes, les caractéristiques résumées de 23 petits avions de constructions amateur, biplaces pour la plupart, et les données concernant quelques profils NACA.
Voici donc un manuel qui reste très abordable techniquement même si, en accompagnant l’auteur dans sa démarche, on ressent les limites de son système comparatif et simplificateur. On pourrait presque croire que concevoir un avion, c’est comme en gribouiller le profil sur un cahier d’écolier, juste un jeu d’enfant ...
Jean-Noël Violette
248 pages, 21 x 29,7 cm, broché couverture pelliculée