Juin 1940 : Antoine de St Exupéry et un quadrimoteur Farman

La lecture de vieux numéros de la revue Icare (3ème trimestre 1976) m'apprend un épisode peu connu de la vie d'Antoine de St Exupéry : son trajet de Bordeaux à Oran via Perpignan les 20 et 21 juin
1940, aux commandes d'un quadrimoteur Farman. Une vraie expédition, non seulement par le contexte de l'Armistice, mais aussi parce qu'il ramenait beaucoup de matériel dans les soutes, quelques
militaires et des civils - dont Suzanne Torrès, future femme de Massu, qui publie d'ailleurs une relation de cette étrange odyssée dans le même numéro d'Icare.

Là où ça coince, c'est que l'identification de l'appareil n'est pas du tout assurée ! A tel point que le texte de Suzanne Torrès/Massu est suivi d'une étude signée d'Edmond Petit et Raymond Danel, qui
cherchèrent à recueillir en 1976 le maximum de témoignages... dont le moins que l'on puisse est qu'ils sont peu convergents ! Suzanne Torrès parle d'un "prototype", le journal de marche du II/33,
groupe de St Ex, cite un F-222 et le carnet de Kopf, mécanicien, situe le voyage à des dates décalées d'un jour et donne l'avion comme un "F-224 (moteurs Hispano)". Enfin, l'un des passagers croit se
souvenir qu'il s'agissait d'un transport de troupes avec des sièges métalliques équipés de sangles.

A partir de là, après force hésitations, Danel (qui rédige la fin de l'étude) arrive à la conclusion qu'il s'agissait d'un Farman F-222.

On pourrait en rester là... si la publication de cet article n'était pas illustrée de la photo du lieutenant Azambre, navigateur de St Ex. lors de cette expédition, et datée du 21 juin 1940. Celle ici
en illustration.

Il est pour moi très clair qu'Azambre pose devant la queue d'un Farman 224 ! On en reconnait la porte arrondie, percée d'un hublot qui n'est pas le dernier de la ligne... Et on voit aussi très
clairement que la structure de cette queue n'est pas parallèle à son fond. Normal, le côté très "ventru" du fuselage du F-224, largement dilaté par rapport aux autres modèles de la série 220, lui vaut
d'avoir une ligne inférieure très pentue à l'arrière, qui se présente bien à l'horizontale quand l'avion est au sol. On ne retrouve pas ce trait sur les autres 222 ou 223, dotés d'un fuselage beaucoup
moins profond.

Si elle s'oppose à la conclusion de Danel, cette identification rejoint tout de même une certaine partie des témoignages. Et il me semble que la publication du cliché est sans appel... sauf à penser
que sa légende est erronée, ce qui n'est pas prouvé.

Bon, ceci étant, cette publication est vieille de près de 50 ans, je pose donc la question à la docte assemblée qui nous lit : d'autres documents sur ce voyage sont-ils depuis ressortis et le "Farman"
en cause est-il de nos jours identifié de façon incontestable ?

A vous lire, et bien amicalement,
Alain